Atome #14 – Miroir

Mathieu se brossait les dents. Son miroir reflétait banalement son image. Mouvements secs. Avant, arrière. Haut, bas. Il s’arrêta.
« Mais… ma brosse à dents était verte, hier ! » pensa Mathieu.
Il sortit l’engin de sa bouche et l’observa de plus près. Il était bleu, mais c’était bien sa brosse à dents, pas de doute. Il reprit son activité. Puis s’arrêta.
« Mais enfin, elle est verte, maintenant ! » s’exclama Mathieu.
Il porta l’ustensile devant ses yeux. Il était vert, et c’était toujours sa brosse à dents, aucun doute là-dessus.
« On se fout de la gueule de qui, là ? » hurla Mathieu.


***
Marc était embarrassé. Il essayait de faire attention au moindre détail. Il avait pourtant laissé passer cette histoire de brosse à dents. Il avait aussitôt réparé l’ineptie et espéré que Mathieu ne se rende compte de rien. C’était sans compter la perspicacité de son héros. Il devait essayer de rattraper le bazar.
« Mathieu. Dans notre infinie magnanimité, nous testions les capacités de nos… » entama Marc.
« Ouais, c’est ça. Touche pas à ma brosse à dents. » rétorqua Mathieu.
Ce n’était pas la réaction qu’avait attendue Marc. Il payait le prix du libre arbitre accordé à ses créations, prix oh combien amer. Il se convainquit donc qu’il en avait assez dit et fait.
***
Luc était embarrassé. Il n’avait pas créé un auteur avec ce résultat en tête. Qu’il se trompe, passe encore. Après tout, c’était le droit le plus strict de l’auteur. D’ailleurs, qui était en mesure de dire si Marc se trompe, à part lui ? Mais qu’il n’accepte pas son erreur, et qu’il fasse supporter le poids de sa culpabilité à sa créature, là, c’était trop. Luc décida d’intervenir. Il plissa les fils, les dénoua et les renoua. Comme si de rien n’était.
***
Mathieu se brossait les dents. Son miroir reflétait banalement son image. Mouvements secs. Avant, arrière. Haut, bas. Il s’arrêta.
« Quelle belle brosse à dents verte. » pensa Mathieu.
Il sortit l’engin de sa bouche et l’observa de plus près. C’était bien sa brosse à dents, pas de doute. Il reprit son activité.
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Marc était satisfait. Il faisait attention au moindre détail. Il ne laisserait jamais passer une histoire de brosse à dents.
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Luc était satisfait de son travail. Comme si de rien n’était.
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Jean était embarrassé. Il s’interrogeait sur l’intérêt du libre arbitre. Il se demandait s’il avait bien fait. Il craignait que sa création ne soit un échec. Il hésita à intervenir. Il n’en fit rien. Luc avait une bonne intention. Jean devait l’accepter, et l’accepta. Il continuerait à observer sa création. Avec beaucoup d’intérêt.


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